Dans la première partie, Thierry nous racontait les raisons qui l'ont conduit à arriver sur la grille de départ. La suite de son récit, encore chaud dans son jus d'origine.

 

14H30 : le départ est donné. Vêtu de ma tenue du VCA, Je laisse passer les avions de chasse… certains, en équipes de 6 ou de 8, sont clairement là pour claquer une perf.

 

 

Et j’enchaîne les tours. Il fait super chaud, il n’y a pas un brin d’ombre…

 

 

Premier passage sur la ligne. Quelqu’un beugle « Allez Thierry ! ». D’accord, il y a un autre Thierry dans les parages. C’est quand même un prénom presque courant. Deuxième passage : « Vas-y, Thierry ! ». C’était donc bien moi. Le gars a une bouille connue. C’est marrant, il ressemble à Nicolas Satti. Mais ce n’est pas possible, il ne fait pas la course. Il se prépare pour l’étape du Tour !

Dans le virage « Sainte Beaume », un concurrent a fait un « tout droit » et il pisse le sang. Manifestement, il a eu un coup de chaud, n’a pas supporté la chaleur ou s’est mal hydraté… D’ailleurs, tout le monde a trop chaud. Il fait tellement chaud que la sueur s’évapore immédiatement. Les lunettes ne sont même pas salies ! C’est bien la première fois que ça m’arrive !

 

 

Après deux tours pour me chauffer les jambes, je me fais un petit plaisir en faisant un tour chronométré : moins de 11 minutes pour faire la boucle de 5,8 km ! « Thierry ! Thierry ! » Ah ben, oui. C’est bien Nicolas Satti.

 

Premier arrêt : ça va, je suis content, j’ai pu faire quelques tours en compagnie d’autres rouleurs. Ça fait passer le temps.

 

 

J’ai fait 10 tours. Je mange un peu, je bois, je refais le plein des bidons, c’est reparti. Au deuxième arrêt, j’ai fait 100 km. Mais la moyenne horaire commence à baisser.

 

Je commence à doubler d’autres concurrents… je fais coucou à ceux qui partagent le box et que je reconnais… puis Aline viens me voir en début de soirée.

 

 

On partage un moment, je parle de mes sensations, des avions de chasse qui frôlent tout le monde sans se préoccuper de ceux qui partagent la piste avec eux… Quand elle me parle de repos, je dis que je ne peux pas pour l’instant. Un peu plus tard, sans doute. Après le bisou du soir, elle rentre à la maison. Moi, je repars pour un autre run. Je rencontre Manon, une jeune femme de Toulon qui cours l’épreuve en duo avec son compagnon.

 

 

Elle est, à ce moment-là, en souffrance. Elle prend ma roue et pendant 90 minutes, on va rouler, prendre des relais et discuter. Le temps passe plus vite. La nuit est définitivement là.

 

Il est minuit, le temps de passer aux stands refaire le plein.

 

 

Je me dis alors que ce serait peut-être bien de m’allonger un peu. J’enlève mon maillot, rentre dans mon sac de couchage et me mets à grelotter. Christine, présente à ce moment dans le box, me dit que c’est la fatigue et qu’il est vraiment temps de prendre du repos. Effectivement, 5 minutes plus tard, je dors. Je m’éveille vers 4 H, je marche un peu et vais faire un petit tour vers les ostéopathes. Ça va bien, ils ne sont pas débordés et me prennent immédiatement en main. L’ostéo est en rogne : il râle contre les inconscients. Il me dit que certains n’ont bu qu’un litre et demi d’eau depuis le début de la course ! C’est de la folie !

 

Je mange un peu et m’hydrate… et je repars pour un run. Pas long. Seulement une heure !

 

 

J’ai de moins en moins de forces. Je rentre à nouveau pour faire le plein… je m’allonge et dors encore une heure. Il est sept heures. Je roule en mode « veille par nécessité ».

 

Je comprends bien, aux trajectoires prises, que certains sont au bord de la rupture, n’ont pas assez dormi, ils zigzaguent… Je rentre. Encore une heure de sieste. Et je repars. Cette fois-ci, j’ai dit définitivement adieu à mes prétentions… 100 tours ? Ah ! Ah ! Ah ! C’te blague ! À ce moment-là, je me dis que l’objectif unique est maintenant de terminer. Je me bats déjà pour atteindre la barrière des 300 km. Et j’ai les articulations qui me font souffrir. De plus en plus !

 

 

Allez ! Il me reste quelques heures à passer et je peux les atteindre, ces 300 km. Et cette p… de ligne droite Mistral interminable (2 km de long avec la chicane)… et pentue en plus. Je ne suis plus capable de la passer sur la plaque ! Ou alors au prix d’un effort incroyable. Je roule sur cette ligne droite à… 14 km/h. J’étais à 30 km/h il y a 20 heures !!! Je n’avance plus ! De temps en temps, je dépasse Olivia… Quel courage ! Et puis Christine : elle semble épuisée. Elles me font oublier que j’ai si mal !

 

Je pense aussi aux copains cyclo-touristes du club qui passent leurs brevets « longue distance ». Ils se moqueraient bien de moi… et ils auraient raison.

 

Je refais un run avec Manon qui n’en peut plus. On se remotive. Allez ! On est bientôt au bout ! Je dois pouvoir au moins atteindre les 300 km ! Même si j’ai mal !

 

 

Nicolas me double. Il me dit qu’il a remplacé un copain au pied levé. On convient de s’attendre dans le dernier tour afin de passer la ligne ensemble.

 

 

 

14 H 32, dimanche : Ça y est, c’est fait ! Il va falloir remballer, rentrer à la maison, puis la douche, les étirements, la récupération et la réhydratation. Ensuite, la voiture et direction Paris pour aider au déménagement de notre fille. Vais-je dormir dans la voiture ? Rien n’est moins sûr ! À refaire (ou pas)… mais dans ce cas-là avec plusieurs personnes pour se motiver, se donner du courage, se booster pendant les coups de mou.

 

Tiens, je n’ai plus mal ! Ça alors ! C’était dans la tête ? Sans doute en partie.

 

En définitive

 

53 tours effectués

307,7 km roulés

1882 m de dénivelés positifs

12 heures et 41 minutes sur la selle

 

300 g de pâtes au jambon et à la féta

1 paquet de pain de mie

1 boîte de Saint-Morêt

12 litres de boisson diverse pendant les 24 H (dont 3 litres de Saint-Yorre

1 Yop, 1 bouteille de jus de raisin, 1 bouteille de Saint-Yorre pour la récupération

            > Le Yop pour le sucre et les ferments, et redémarrer tranquillement le transit intestinal

            > La Saint-Yorre pour recharger en sel minéraux

            > Le jus de raisin pour recharger en sucre et en potassium

 

C’était une expérience follement insensée, une aventure humaine, une leçon d’humilité, un dépassement de soi, de ses limites…

 

Merci à Christine « du box 14 » qui m’a boosté quand il le fallait et qui m’a dit quelque chose de très juste : dans ce genre de course, un seul objectif : ne pas avoir d’objectif ! On ne peut les tenir qu’avec l’expérience de ce genre de défi.

Merci aussi à Fred, prof de sport, qui n’a cessé de me dire que le vélo m’avait appris à me faire mal et à gérer la douleur !

Merci également à Lionel : ses paroles m’ont accompagné pendant toute l’épreuve. « C’est dans la tête, minot ! »